Une nouvelle instabilité dans les écoulements granulaires mise en évidence au M2P2

mai 2020
L'instabilité de Rayleigh-Taylor se produit quand un fluide dense est placé au dessus d'un fluide moins dense. L'inversion des couches de fluides se produit sous forme de panaches en forme de champignons qui se croisent et permettent les passages des fluides vers une situation d'équilibre. Les matériaux granulaires, quand ils sont mis en mouvement peuvent se comporter comme des fluides, mais avec des phénomènes complexes comme l’intermittence ou le blocage. Parmi tous ces phénomènes, la ségrégation granulaire est probablement le plus surprenant. Quand des particules de tailles différentes mais de même densité s'écoulent, les grandes particules remontent à la surface. Ce qu'ont mis en évidence deux chercheurs de la Fédération Fabri de Peyresc, 

Nathalie Thomas (IUSTI) et Umberto D'Ortona (M2P2), 

c'est que la ségrégation granulaire et l'instabilité de Rayleigh-Taylor peuvent se combiner pour former une instabilité auto-induite. 
(a) Expérience: formation des bandes longitudinales, vue du dessus. Les grandes particules denses en noir. (b) Simulation numérique d'instabilité de Rayleigh-Taylor: système initialement ségrégé, vue coupe verticale. Les grandes particules denses en rouge.
Pour cela, ils ont étudié expérimentalement et numériquement un matériau granulaire homogène constitué de grandes particules denses et de petites particules moins denses. Quand le système est mis en mouvement, par exemple en s'écoulant le long d'un plan incliné, la ségrégation induit la formation d'une couche de grandes particules à la surface. Cette couche étant plus dense, se déstabilise dans un second temps en formant une instabilité de Rayleigh-Taylor. On est en présence d'un système qui en s'écoulant induit sa propre instabilité, ce qui est assez inhabituel en mécanique des fluides. On peut donc parler d'une instabilité de Rayleigh-Taylor auto induite. Après cette première instabilité, l'écoulement granulaire continue à s'organiser en formant des bandes alternées longitudinales, au lieu d'aller vers une situation d'équilibre bi-couches. Ces bandes apparaissent car des cellules de convection contrarotatives se forment, très analogues aux cellules de Rayleigh-Bénard. Toutefois ici, le moteur de l'instabilité n'est pas la température, mais la ségrégation granulaire. 

Ces résultats ont fait l'objet d'une publication dans Physical Review Letters, 124, 178001, 2020, Self-induced Rayleigh-Taylor instability in segregating dry granular flows, U. d'Ortona, N. Thomas.